Qui aurait cru qu’en 2022, des droits des femmes seraient encore remis en cause ? Certains états des États-Unis remettent en question la décision du tribunal de la Cour suprême sur le droit à l’avortement des femmes.
Il y a près de 50 ans, en 1973, la Cour suprême des États-Unis rendait l’arrêt historique « Roe v. Wade », conférant une protection constitutionnelle au droit à l’avortement partout au pays. Et depuis cinq décennies, année après année, à chaque nouvelle nomination judiciaire et au gré des élections, les Américaines craignent de perdre ce droit.
L’ébauche d’une nouvelle décision du plus haut tribunal américain sur la question au cours des dernières semaines fait maintenant redouter aux femmes américaines le retour d’une interdiction complète de l’avortement, en toutes circonstances, dans plusieurs états conservateurs. Si ce document préliminaire devient un jugement, « Roe v. Wade » sera invalidé.
Le suspense risque encore de durer un certain temps. La Cour suprême des États-Unis a normalement encore deux mois pour rendre sa version finale et officielle. Il faut aussi mentionner que les juges nommés par des présidents républicains dominent la Cour suprême : ils sont six, contre trois pour les démocrates.
Le droit à l’avortement n’a jamais été absolu aux États-Unis, malgré la décision de 1973, et les états ont toujours conservé certains pouvoirs leur permettant de le limiter. L’arrêt « Roe v. Wade » a établi qu’une femme enceinte était libre d’obtenir une interruption médicale de grossesse sans restriction excessive de la part du gouvernement. Les juges avaient basé leur décision sur le « droit à la vie privée » des femmes et le concept général de « liberté », protégés par la constitution américaine.
Les décisions de la Cour suprême ont force de loi partout au pays. Le jugement a donc fourni un cadre et des balises aux états américains en leur indiquant ce qu’ils pouvaient interdire ou pas. Les mesures législatives les plus restrictives avaient ainsi été immédiatement invalidées par l’arrêt.
Les juges ont aussi lié le droit à l’avortement aux trois trimestres d’une grossesse typique. En ce qui concerne le premier trimestre, les états ne peuvent pas prohiber l’avortement. Durant le deuxième, des limites peuvent être imposées afin de protéger la santé des femmes. Enfin, au cours du troisième, l’avortement peut être interdit, du moment que des exceptions demeurent possibles, pour sauver la vie d’une femme enceinte, par exemple.
Au cours des décennies qui ont suivi l’arrêt « Roe v. Wade », de nombreuses lois restrictives ont été adoptées à travers le pays et plusieurs ont été contestées jusqu’en Cour suprême. C’est le cas, par exemple, d’une loi du Missouri qui requérait le consentement des parents pour une mineure cherchant à se faire avorter ou celui de l’époux d’une femme enceinte.
La Cour suprême des États-Unis se penche présentement sur le cas d’une loi adoptée par le Mississippi en 2018 qui interdit les avortements au-delà de 15 semaines de grossesse, sauf en cas d’urgence médicale ou d’anomalie du fœtus.
Avec une telle adoption, certains gouvernements pourraient donc décider rapidement de restreindre, voire complètement interdire l’interruption volontaire de grossesse. Cela signifie que le droit des femmes à leur autonomie corporelle variera encore plus considérablement qu’actuellement d’un endroit à l’autre.
Il est fort possible que, dans certains états, rien ne change. L’avortement demeurera vraisemblablement accessible comme avant. Mais dans plusieurs, il risque d’être interdit, sauf pour de rares exceptions. Et dans d’autres encore, il pourrait être un crime en tout temps, à la fois pour la femme qui veut l’obtenir (même si la grossesse résulte d’un viol ou de l’inceste) et pour celles et ceux qui lui viennent en aide.
Par exemple, le Texas et l’Oklahoma ont récemment interdit tout avortement au-delà de six semaines de grossesse. Si l’ébauche révélée devient réalité, la situation reviendrait à celle qui prévalait avant 1973 : les états seraient libres de faire ce qu’ils souhaitent.
La posture de la Cour suprême sur le droit à l’avortement annonce un recul sociétal épouvantable. Certains élus républicains souhaitent notamment interdire la pilule du lendemain. Ces décisions sont inacceptables de ne pas respecter le droit à la liberté de choix des femmes de leur corps.
L’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité une motion d’appui aux femmes américaines. Il y a tellement de droits interdits pour les femmes dans le monde entier. Toutes devraient pouvoir prendre leurs propres décisions et vivre leur vie entière dans la dignité exempte de violence, de contrôle, de discrimination et être considérées comme des personnes à part entière avec les mêmes droits que les hommes.
Article paru dans le journal Ensemble pour bâtir, juin 2022.
Image par Alexander Fox | PlaNet Fox de Pixabay.
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