Entrevue avec Gylles Légaré des Productions Nordaccord

Par Lucie Mayrand

C’est le jour de la Saint-Valentin que je rencontrais M. Gylles Légaré, un Évainois débordant d’idées, actif et généreux. Un vrai bon gars de chez nous passionné de sa région et des artistes de la chanson d’ici. Depuis le début de 2008, Gylles Légaré fait la promotion des Productions Nordaccord qu’il a fondé l’an dernier. Il fait parler de son travail à la radio, à la télévision et dans les journaux. Je lui ai demandé d’offrir un angle différent, quelque chose de plus aux lecteurs et aux lectrices d’Ensemble pour bâtir. Voici ce qu’il m’a confié.

Gylles Légaré

J’espère provoquer une chose: créer un sentiment de fierté au niveau des gens de l’Abitibi-Témiscamingue pour leurs artistes...” Gylles Légaré.

Gylles Légaré et ses 2 P : Passion et Plaisir

Citoyen d’Évain depuis 8 ans, M. Légaré a toujours fait de la musique, d’une façon ou d’une autre. C’est au sein du mouvement scout qu’il rencontre Louis Kirouac, chansonnier populaire de la région. Adolescents, ils avaient déjà le goût de faire de la musique et de se surpasser dans ce domaine. En compagnie d’un autre musicien de la place qui fait maintenant carrière à Montréal, Claude Vendette, (Cirque du Soleil, Cheval Théâtre) et de Michel Lévesque, les quatre musiciens en herbe offraient déjà leurs chansons originales. Plus tard, avec Louis Kirouac, ils feront la tournée des boîtes à chansons de la région en duo. Gylles Légaré fait ses adieux à la scène en 2007. Il termine en beauté en compagnie du groupe Apéro en faisant la première partie de Bertrand Gosselin (ex-membre du groupe Jim et Bertrand) lors du Festival des guitares du monde de l’Abitibi-Témiscamingue et en offrant une dernière tournée régionale.

Tout ce bagage acquis au fil des ans, toutes ses connaissances du milieu, tous les obstacles surmontés, sa vaste expérience en fait, il désire maintenant en faire profiter les nouveaux talents de la chanson québécoise de la région.

Message de fierté régionale

J’espère provoquer une chose: créer un sentiment de fierté au niveau des gens de l’Abitibi-Témiscamingue pour leurs artistes d’ici plutôt que de les bouder, les ignorer. Je sais que si on s’en va en Gaspésie dire un mot de travers contre Laurence Jalbert ou Kévin Parent, on va se faire tuer !” Gylles Légaré croit dur comme fer qu’il importe de se regrouper dans le domaine de la chanson afin de créer une fierté témiscabitibienne. “La plupart du temps, on demande aux chanteurs d’ici de performer bénévolement. Lorsqu’on a du budget, ce sont des artistes d’ailleurs qu’on engage. Il faut essayer d’inverser cette mentalité”, affirme-t-il.

Selon lui, le temps est venu de toucher le plus de gens possible puisque Rouyn-Noranda vit une émergence culturelle. “Si on n’a pas l’appui de la population d’ici, des médias d’ici, on n’attire pas de foule. Comment on peut durer dans ce temps-là? “ Les artistes locaux de la chanson gagneraient à être invités à offrir leur prestation sur toutes les scènes professionnelles locales, à tous les événements qui comprennent un apport culturel. Les tournées régionales ne suffisent pas puisqu’elles ne représentent que 5 ou 6 spectacles tout au plus. Des événements comme Osisko en lumière, le Festival de musique émergente, pour n’en nommer que deux, “ont la responsabilité de continuer d’offrir une place aux artistes d’ici. Viser à pouvoir faire de grandes choses et vivre en région, chez soi . Mais ça n’empêche pas les possibilités de faire des spectacles à Montréal, à Sherbrooke ou à Paris !

Gylles Légaré est convaincu que les jeunes ne devraient pas être obligés de quitter la région pour exercer leur art. “Je suis allé voir le dernier spectacle de Jonathan Mercier, un petit gars de Mont-Brun qui est en train de rouler sa bosse tranquillement pas vite au Québec. Personne ne parle de lui, ou très peu. Il tourne très rarement à la radio.

Il n’hésite pas à citer en exemple le Festival du cinéma en Abitibi-Témiscamingue et le Festival des guitares du monde: “Ces festivals nous prouvent que nous sommes capables d’accueillir la planète entière ! On est capable de grandes choses. Il faut se consommer nous-mêmes. Pourquoi les artistes d’ici ne feraient pas régulièrement les premières parties des spectacles d’artistes qui viennent de Montréal? Ce sont des choses qui sont possibles, faisables.

Les Productions Nordaccord

Les Productions Nordaccord ont vu le jour à Évain dès 2007. Après 5 ans de réflexion et d’élaboration, Gylles Légaré passe à l’action. “L’idée même de la compagnie c’est de donner une force, de donner une voix pas juste à une personne, mais à plusieurs. Ainsi, on crée une force de frappe importante. On peut aider, former et organiser des campagnes de sollicitation auprès des diffuseurs, faire de la promotion.

Il procède à l’enregistrement des chansons et musiques dans les studios Sagaces au lac Fortune à Arntfield et travaille à les faire tourner dans les radios qui diffusent ce style de musique: Couleur FM, Go FM et Radio Énergie.

Les Productions Nordaccord accueillent aussi les personnes talentueuses spécialisées dans l’un ou l’autre des champs d’activités connexes à la chanson: la mise en scène, la gérance, la composition, l’écriture, les arrangements musicaux, le démarchage, la conception, etc. “Mettre toutes les forces ensemble pour avoir un résultat magique.
Grâce à son site Internet, M. Légaré peut procéder à la diffusion et à la vente d’albums CD. On peut aussi y écouter des extraits sonores comme ceux déjà disponibles du groupe Mild Orphic, Émilie Lafontaine et Geneviève Dostie.

La musique, partie intégrante du développement économique

“Ce n’est pas compliqué. S’il n’y avait pas de musique, il n’y aurait pas de rassemblement ou de fêtes nulle part ! On constate aussi que la grande fresque du Paradis du Nord à La Sarre est un bel exemple de regroupement qui réussit à générer des retombées économiques tout en stimulant une belle fierté en Abitibi-Ouest.”

Un peu plus loin, à Cadillac, on pense sérieusement à produire annuellement un concours pour les artistes amateurs de 5 à 18 ans. Un festival abitibien du style de celui de Petite Vallée en Gaspésie? “Il faudra donner la chance au coureur. Beaucoup de gens, de jeunes et moins jeunes sont prêts à s’investir là-dedans.

Sa situation centrale, au cœur de l’Abitibi-Témiscamingue, le succès de sa Foire d’antiquités, poussent ce coin de pays à se servir de la vie culturelle comme levier réel de développement. “Je vais me joindre à eux pour les épauler, encadrer les jeunes, les aider, les informer et je pense que ça, c’est la meilleure solution. Ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on doit s’empêcher de voir grand.

Qui dit événements culturels doit tenir compte du potentiel touristique. Alors, le touriste qui désirerait acheter un produit de la chanson d’ici, comment l’attire-t-on? Gylles Légaré s’interroge. “Pourquoi, lorsque j’entre chez le disquaire, je ne retrouve pas un présentoir des productions de chez-nous? Si le touriste n’a pas de repères, comment pourra-t-il consommer le travail de nos artistes locaux?

Partenariat financier

C’est par son implication au sein du Conseil de la Culture que Gylles Légaré peut mieux évaluer la situation financière dans le milieu de la chanson d’ici. “Actuellement, on subventionne la production et la diffusion en soutenant de grosses compagnies qui ont déjà les reins solides. Mais les fonds pour les petits créateurs? Ils sont des centaines et des centaines à se disputer de petits montants, les miettes.. Il existe encore des programmes qui soutiennent la production de “démos”, mais cette façon de procéder est de plus en plus rare…les compagnies de disques étant de moins en moins nombreuses, l’autoproduction devient de plus en plus facile et abordable. On se retrouve alors avec trop d’offres pour le peu de demandes et la grosse industrie écrase tout avec son monopole.

Pourtant, la volonté collective, le momentum d’émergence et les outils comme Internet sont au rendez-vous. M. Légaré pense avoir trouvé une avenue intéressante et rassembleuse. “Moi, j’ai développé un principe de partenariat avec des gens d’affaires afin de regrouper les forces. Investir à plusieurs des sommes moins élevées, montants remboursables dès les premières ventes de CD et offrir à ces gens de participer aux redevances des ventes d’albums semblent un gage de réussite de ce genre de collaboration .

Les mots de la fin

Moi, je voudrais entendre...” La puissance du groupe se retrouve aussi et surtout en chaque auditeur. Gylles Légaré rappelle que chacun de nous a une responsabilité, celle d’exercer une pression constante auprès des stations de radio. “C’est à nous tous et toutes de demander que nos chansons passent. C’est à nous de demander à entendre nos artistes qui font de la bonne musique.

(Albums de Gylles Légaré: Prêtez-moi une oreille 1992, Éponyme 1994, DVD Gylles Légaré Rencontre, novembre 2006)

 
Article paru dans le journal Ensemble pour bâtir, mars 2008.

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