« Je voudrais que tu sois ma maman. » Voilà ce que les enfants confient à Mme Fernande Mathieu qui, humblement, ne se considère pas comme une conteuse, mais plutôt comme une animatrice qui adore les enfants et aime leur raconter des histoires de toutes sortes. Cette dame volubile au sourire magnétique sait capter l'attention. Alors, imaginez l’effet qu’elle a sur les enfants!
En plus d’animer des activités dans les écoles et les bibliothèques de plusieurs villes, elle donne des ateliers aux adultes afin qu’ils puissent guider adéquatement les jeunes dans leur lecture.
Ses objectifs : favoriser chez l’enfant le développement du plaisir de lire; susciter les rêves et nourrir l’imagination; piquer et stimuler la curiosité; enrichir les connaissances; décloisonner le livre en respectant le cheminement de chaque enfant dans son apprentissage de la lecture et, finalement, encourager l’esprit critique. Une tâche qui peut paraître énorme ? Plus après l'avoir rencontrée.
De retour à Évain pour rendre visite aux personnes qui lui sont chères, Fernande Mathieu en a profité pour partager ses secrets avec les élèves de 6e année de l’école Saint-Bernard à Évain.
Cette Mademoiselle Charlotte (effectivement, Dominique Demers fut inspirée par Mme Mathieu pour créer le personnage principal de La Mystérieuse Bibliothécaire) a donc animé un atelier de lecture, dans les trois classes de 6e année à Évain, intitulé « Le délirant langage des images. Lire entre les lignes et derrière les images». Bien au-delà du texte et des images se cache un univers magique et mystérieux qu’elle se plaît à gratter et à creuser afin de le faire découvrir aux enfants qui l’écoutent attentivement. Son animation se veut avant tout un moment de pur plaisir où les rires se mêlent au ravissement et à la découverte des trésors cachés derrière les images.
D.L. : Quels sont les événements qui vous ont conduite vers ces activités si « spéciales »?
F.M. : J’étais dans le milieu scolaire montréalais et je donnais une formation « relation parent-enfant » auprès des parents (1975). Puis, on m’a proposé de démarrer le projet « Les livres dans la rue », inspiré d’un projet semblable (« Le savoir dans la rue ») qu’une responsable avait eu la chance d’observer en France.
Elle cherchait donc un parent pour faire l’animation et un partenariat avec les bibliothèques de Montréal pour les livres. Comme j’habitais déjà le quartier et que j’avais trois enfants, j’étais donc la personne idéale pour mettre sur pied ce projet.
J’ai commencé à animer la lecture auprès des jeunes de la rue en 1982 ,et ce, jusqu’en 1989. J’arrivais dans la ruelle avec mon sac à dos plein de livres et ma couverture et je m’installais pour accueillir les enfants. Ils s'approchaient de moi désireux et curieux de m’entendre leur raconter des histoires. Une bibliothécaire était chargée de me trouver une trentaine de livres que je rapportais à la maison pour les lire. Je m’appropriais les histoires et les images que je divulguais à ma façon aux enfants. L’animation dans les écoles et dans les bibliothèques est arrivée par la suite.
D.L. : Quel était votre lien avec ses enfants?
F.M. : J’ai toujours adoré les enfants. En fait, ce sont les enfants qui m’ont appris à animer. Lorsque j’ai commencé à raconter des histoires aux enfants de la rue, qui me soufflaient à l’oreille leur désir que je sois leur maman et m’encourageaient à poursuivre encore et encore mes histoires, rien ne me faisait plus chaud au cœur.
J’avais une relation privilégiée avec ses enfants. Je me souviens d’une petite fille, Patricia, qui, dans l’intimité, m’appelait « maman ». C’était notre petit secret à toutes les deux. Je l’ai revue depuis et nous avons toujours ce lien « spécial » qui nous unit.
Vous savez, beaucoup d’enfants n’avaient pas la chance de lire à la maison, n’ayant pas l’argent nécessaire pour l’achat de livres. J’étais là pour leur faire découvrir de nouveaux horizons : l’univers merveilleux qu’est le monde de la lecture. Aujourd’hui encore, je vois des enfants qui n’ont pas cette chance.
D.L. : Qu'est-ce qui vous lie à la communauté d’Évain?
F.M. : Je suis originaire de D’Alembert. En raison du divorce de mes parents lorsque j’étais très jeune, je fus placée en famille d’accueil. Je fus donc accueillie chaleureusement par M. et Mme Sylvio et Marielle Lacroix à Évain de 10 à 13 ans. Je me souviens aussi d’une enseignante qui fut une réelle inspiration pour moi. Elle lisait des histoires et j’étais fascinée par sa voix. Elle se nomme Carmen Boucher-Brousseau et demeure toujours à Évain.
D.L. : Qu’est-ce qui a motivé votre choix de venir présenter votre activité sur la lecture aux enfants d’Évain?
F.M. : J’ai été très heureuse ici, à Évain. Je me sentais redevable envers ce milieu si aimant. Alors, je me suis dit : « Pourquoi ne pas profiter de mon séjour à Évain pour proposer une activité sur la lecture à la directrice de l’école Saint-Bernard ? » C’est ce que j’ai fait. J’ai choisi de faire mon activité avec les classes de 6e année, car ces élèves bénéficiaient de moins d’activités. On m’a laissé la liberté de choisir ce que j’allais présenter. Mon atelier sur la lecture est tout à fait ludique et me permet de faire rire les enfants tout en leur montrant une façon de lire les images d’un livre.
D.L. : Quel a été votre contact avec les enfants d’Évain?
F.M. : Je leur ai présenté quelques livres en les guidant pour qu’ils voient ce que cachent certaines illustrations. Vous savez ce qu’est un « pet de pou »? Ce que cachent les images, c’est exactement ça. C’est petit et invisible. Les enfants ont bien ri de cette anecdote. (rire) Ils étaient d’un calme incroyable. Ils en redemandaient encore et encore et restent surpris d’avoir autant de plaisir.
D.L. : Comment, comme parents, peut-on à notre tour stimuler le goût pour la lecture à nos enfants?
F.M. : Il faut seulement prendre le temps. On lit trop rapidement au Québec. Peut-être est-ce l’une des raisons qui expliqueraient le manque de plaisir de lire chez les jeunes. Ils ne prennent pas le temps de savourer les images. Il y a plein de clins d’œil que les auteurs dissimulent dans les illustrations et il faut apprendre à les découvrir. Le troisième niveau de lecture se trouve dans les liens que l’on fait et dans le sens que l’on en retire.
D.L. : Trouvez-vous que la littérature de jeunesse est en bonne santé au Québec?
F.M. : Je dirais que nous avons d’excellents illustrateurs dont Stéphane Poulin qui, à mon avis, est le meilleur. Ils sont nettement en avance sur leur temps et les écrivains ont du mal à être à leur hauteur. À mon avis, les textes ne sont pas assez étoffés en comparaison avec les images extraordinaires que nous offrent les illustrateurs d’ici. Les images nous disent beaucoup plus que ce qu’elles laissent entrevoir au premier coup d’œil. C’est pour cette raison qu’il faut les « travailler » en faisant des liens avec l’histoire, la vie et l’auteur pour en ressortir une signification beaucoup plus enrichissante et plaisante. Le plaisir de lire se trouve là.
D.L. : En terminant, avez-vous un coup de cœur que vous pourriez suggérer aux parents et aux enfants?
F.M. : Petit zizi de Thierry Lenain, illustrations de Stéphane Poulin. J’aime aussi beaucoup l’œuvre d’Anthony Browne.
Les 15 et 16 octobre dernier, Mme Fernande Mathieu a raconté des images aux élèves du 3e cycle (6e année) de l'école Saint-Bernard. Cette conteuse de rue, animatrice en lecture a su capter l'intérêt de ces jeunes en dernière année du primaire par sa passion et sa vivacité.
À travers un livre de conte pour enfants de l'auteur-illustrateur jeunesse, Anthony Browne, Mme Mathieu a montré à décoder les « pets de pou ». Ce sont autant d'informations que peuvent révéler les divers composantes de l'image, telles les couleurs, les proportions, les physionomies des personnages, les encadrés ou leur absence et plus encore.
Elle a invité ses auditeurs à exercer cette lecture d'images avec des plus-petits et ainsi partager l'univers fascinant des livres.
Commentaires de Nathalie Charlebois, enseignante en 6e année, qui a accueilli Mme Mathieu dans sa classe : « C’est une femme d’une extrême générosité et d’un dynamisme incroyable. Elle n’hésite pas à se placer au niveau des jeunes pour s’amuser et les faire rire. C’est un cadeau mémorable qu’elle a donné aux élèves en venant présenter son activité à Saint-Bernard. Tous étaient à l’écoute et démontraient un immense intérêt pour ses histoires. En une seconde, elle a su capter leur attention. Ils ont même demandé à demeurer en classe durant la récréation afin de passer 15 minutes de plus en sa compagnie. L’objectif était d’ouvrir l’esprit des élèves à l’imaginaire et ce fut une activité plus que réussie! »
Article paru dans le journal Ensemble pour bâtir, novembre 2007.
Cet article a obtenu un prix de l'AMECQ (Association des médias écrits communautaires du Québec), en 2008 : 3e prix Entrevue, finaliste dans la catégorie : Meilleure entrevue.
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