Dès 2014, François Legault a annoncé son intention d'abolir les commissions scolaires. Par ricochet, évidemment, disparaîtraient les élections et la nomination de commissaires. Il a aussi annoncé son intention d’abolir du même coup la taxe scolaire.
C'est un fait que la population a depuis longtemps démontré peu d’enthousiasme à participer aux élections scolaires. En 2014, moins de 5% des électeurs ont voté dans les commissions scolaires francophones versus 17% dans les commissions scolaires anglophones. Les dernières élections scolaires, prévues en 2011, ont finalement eu lieu en 2014 et celles de 2018 avaient été reportées en 2020. La raison invoquée pour ce report était d’éviter que les élections scolaires chevauchent les élections provinciales.
Les raisons financières ont fait le poids : l'organisation des élections scolaires de 2014 a englouti la rondelette somme de 20 millions et les élections partielles depuis cette date ont nécessité 800 000 $ additionnels. La participation générale pour les partielles est en moyenne moins de 4%. Le budget pour les commissaires se chiffre aux alentours de 10 millions annuellement.
Au moment d'écrire ces lignes, le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, a déposé le projet de loi 40 en conformité avec la promesse du parti, abolissant les élections scolaires et transformant les 72 commissions scolaires en centres de services. « On n'aura plus d'élections scolaires telles qu'on les connaît. Alors, en partant, ce sont des millions qui s'en vont dans le réseau », indique Jean-François Roberge. « De plus, Québec économisera sur la rémunération des commissaires scolaires, qui seront remplacés par des administrateurs qui n'auront pas de salaire », a-t-il précisé. Il a aussi déclaré que les parties de golf et les rencontres de formation dans le sud pour les commissaires, c'est terminé. Leur mandat prendra fin le 29 février 2020.
Les commissions scolaires seront converties en centres de services administrés par un conseil d'administration composé de 16 membres non rémunérés : huit parents, quatre personnes issues de la collectivité et quatre membres du personnel scolaire. En d’autres mots, ce seront des citoyens bénévoles issus du milieu ou de la collectivité qui siégeront sur les conseils d'administration.
Ce sont les conseils d'établissement des écoles qui éliront les administrateurs des centres de services. Les conseils d'établissement seront composés de six parents, de quatre membres du personnel scolaire, d'un membre de la communauté et d'un responsable du service de garde au primaire ou d'un élève au secondaire, donc 12 membres avec droit de vote.
En ce qui a trait aux taxes scolaires, rappelons-nous que, dès 2019, le gouvernement de François Legault a maintenu son objectif d'instaurer graduellement un taux unique de taxation à l'ensemble du Québec.
Auparavant, les taxes scolaires étaient basées sur le rôle d’évaluation et faisaient donc office de deuxième taxe sur la propriété à un taux variable selon les municipalités. C’est pourquoi certains s'offusquent que ce soient les mieux nantis qui profitent de la baisse ou d'une abolition éventuelle. La question qui tue est bien de se demander s’il est normal d’avoir une deuxième taxe basée sur l’évaluation municipale.
Les taxes scolaires peuvent-elles être complètement abolies puisqu'elles servent notamment au financement du transport des écoliers, ainsi qu’à la gestion des établissements, incluant chauffage et entretien ? Le gouvernement Couillard avait déjà instauré un taux unique par région représentant un budget provincial de 680 millions annuellement. Le gouvernement Legault est allé plus loin ciblant éventuellement un taux unique provincial alourdissant l'apport du gouvernement provincial à 1,5 milliard.
L'adage dit qu'il ne peut y avoir « de taxation sans représentation ». Questionné en décembre pour savoir si le principe d'un impôt foncier scolaire survivra au projet caquiste d'abolir les élections scolaires et les commissions scolaires, le ministre Girard a plaidé pour la patience. « Je pense que ce sont deux enjeux séparés. On s'est engagés à baisser les taxes scolaires, puis on va regarder chaque chose en son temps. »
Ce projet de loi suscite beaucoup de questions sans réponses.
Le parent se demande comment la centralisation des pouvoirs et des décisions affectera sa région, sa municipalité, l'école de son enfant. Les parents bénévoles sauront-ils gérer efficacement les enjeux sous l'égide des centres de services et des conseils d'administration ou feront-ils partie bénévolement de l'ancienne structure qui aura simplement changé de nom ? L'organisation du transport scolaire et l'entretien des immeubles, pour ne citer que ces deux dossiers, nécessitent une gestion locale permanente. Le contribuable devra nécessairement financer les centres de services par ses impôts s'il ne les finance plus par les taxes sur ses immeubles.
Avec la nouvelle structure, le ministère de l'Éducation s'octroie le pouvoir d'imposer des regroupements de services, de déterminer des objectifs ou des cibles portant sur l'administration, l'organisation ou le fonctionnement d'un ou de l'ensemble des centres de services scolaires. Les commissions scolaires seront maintenues telles quelles.
Un principe incontournable stipule que, pour maintenir une gestion efficace, le pouvoir et les responsabilités sont indivisibles.
La réforme sera sans doute chaotique, comme c'est le cas dans le réseau de la santé. Décisions nécessaires, peut-être. Résistance aux changements, sans doute. Chose certaine, quelqu'un, quelque part, va payer.
Rien n'assure que la taxe scolaire va disparaître. Elle va peut-être simplement changer de nom.
Article paru dans le journal Ensemble pour bâtir, novembre 2019.
Crédit photo : Diane Gaudet Bergeron.
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