Notes de lecture: Anna et l’enfant-vieillard

Anna Et Enfant Vieillard

Par Julianne Pilon

Anna est assise, sans bouger. Au plus profond d’elle-même, une grande douleur la paralyse. Elle n’a plus de larmes pour pleurer. Elle les a épuisées au cours des vingt dernières années… depuis que son fils vit dans la rue. Elle a besoin de faire le deuil d’un enfant vivant. Elle ne sait comment faire cela.

Dans Anna et l’enfant-vieillard, la romancière Francine Ruel retrace le parcours d’Anna et de son fils Arnaud dans l’enfer de la drogue et de la vie en itinérance. Ils étaient si heureux avant. Ils s’aimaient tellement et ils s’aiment toujours.

Anna voyage dans ses souvenirs avec Arnaud, petit gars enjoué, heureux, aimant la musique. Il appelait Anna, sa Mamita. Parfois ses souvenirs la ramènent au moment où tout a commencé, à ce qu’elle appelle l’Accident. Un soir, lorsqu’Arnaud revenait chez lui après une sortie avec sa petite amie, il a été victime d’une agression sauvage. Des blessures graves ont nécessité une longue hospitalisation et l’utilisation d’antidouleurs et de morphine auxquels Arnaud fait une accoutumance. Et petit à petit, il s’enlise.

D’autres souvenirs sont plus récents : comment elle entoure son fils, les séjours en désintoxication, les marches dans les ruelles pour le retrouver, les visites au poste de police et à l’hôpital, l’argent pour le loyer dont il se sert pour la drogue, ses brefs séjours à la maison avec les retours à la rue. Arnaud n’est plus le même. Il est amaigri, voûté, l’air absent, perdu, un vieillard.

Anna se rappelle aussi du conseil de sa psychologue de ne plus protéger son fils, de le laisser vivre sa vie, de le laisser atteindre le fond s’il le faut. Et s’il se suicidait ? Anna lâchera-t-elle prise ? Pourra-t-elle faire le deuil de cet enfant-vieillard toujours vivant ?

Francine Ruel, qui nous avait si bien décrit le bonheur dans sa trilogie sur le bonheur, sait tout autant nous décrire le malheur le plus désolant. Une écriture par petite touche, par petits chapitres d’une page ou deux. Une écriture toute en images fortes, mais aussi en mots délicats et touchants. Les larmes ne sont jamais loin à la lecture de « Anna et l’enfant-vieillard ».

  

Article paru dans le journal Ensemble pour bâtir, décembre 2019 - janvier 2020.

Articles dans la catégorie

Culture

Lors du Festival international du cinéma, 4 courts-métrages ont été présentés à Évain...

Dans notre parler québécois, le pronom « y » a plusieurs usages différents, parfois dépersonnalisant…

Plus de 60 personnes sont venues célébrer le talent des artistes d’Évain à la bibliothèque municipale...